La bataille des compétences : « passer son code »

Cette année a eu lieu, avec une relative discrétion, le dernier round d’évaluation de l’enquête internationale PISA sur l’éducation menée par l’OCDE.

Les résultats sont attendus pour la fin 2023.

Au mieux, ce sera moyen.

Malheureusement, en France, cela n’augure rien de bon : depuis ses débuts en 2000, ce classement n’a fait que confirmer la lente dégringolade du niveau scolaire dans notre pays, en particulier en mathématiques. En 2019, date de la dernière publication, nous étions ainsi 20ème sur 37 pays de l’OCDE, avec une mention spéciale pour un système parmi « les plus inégalitaires de la zone », faisant de notre enseignement une machine à reproduire les inégalités sociales.

Un comble pour l’école républicaine, pourtant conçue comme bras armé de la méritocratie depuis bientôt 150 ans.

Un niveau plombé par les inégalités

Les inégalités sociales reposent sur deux leviers : une incapacité objective (« je n’ai pas les moyens d’aller à l’école, je n’ai pas accès aux ressources ») et une incapacité subjective (« je n’en suis pas capable, ce n’est pas pour moi »).

Si notre système est loin d’être idéal et exempt de disparités, force est de constater que dans notre pays où l’éducation est nettement plus accessible que la moyenne, l’incapacité « subjective » occupe un rôle prépondérant. Et cet état de fait ne s’améliore pas.

La dernière réforme du lycée, en créant un système « à la carte » et des spécialisations dès le début du lycée, a ainsi découragé nombre de jeunes filles de suivre des enseignements scientifiques. En classe de terminale, le nombre de filles « aux profils scientifiques » a ainsi chuté de 28%. En cause ? L’idée mortifère que « les maths, c’est pour les garçons ».

Notre système ne parvient pas à donner confiance ou à combattre les stéréotypes qui paralysent tant de jeunes. Cela ne vaut pas que pour les inégalités de genre : même parmi ceux qui obtiennent des résultats élevés au PISA, près de 20% des élèves français issus des milieux défavorisés ne conçoivent pas poursuivre des études supérieures.

Avec, à la clé, une effective baisse du vivier de talents dans toutes les filières à forte valeur ajoutée, a fortiori dans les domaines scientifiques.

Apprendre à coder, un levier pour rehausser le niveau et réduire les inégalités ?

Tout n’est pas perdu. Un levier, en particulier, me parait important à exploiter : apprendre à nos jeunes à coder !

Pourquoi ? Parce qu’apprendre à coder, c’est apprendre :

  • A adopter une démarche analytique : comment traduire un usage concret en problème informatique ?
  • A développer sa créativité et son autonomie : par quel angle attaquer mon problème informatique pour y trouver une solution ?
  • A exercer son raisonnement logique : comment découper mon problème en séquences et boucles qui donneront la solution attendue ?

En plus de développer la confiance des étudiants dans leur capacité à résoudre tel ou tel problème, le code fait le lien entre objets concrets et concepts. Un lien qui fait cruellement défaut à notre éducation, régulièrement pointée du doigt pour l’extrême prééminence de la théorie dans ses programmes.

<php $succès = true; if($succès) { echo “Oui, je sais coder.”; } else {  echo “Tant pis !”; } ?>

« On veut pouvoir systématiser l’équivalent de la deuxième langue étrangère dès la cinquième, où des jeunes pourront choisir le code » déclarait un Emmanuel Macron candidat à l’élection présidentielle de 2022 le 7 mars dernier, à Poissy.

Cette intention est la bonne, il faut la mettre en pratique.

Des initiatives existent déjà pour diffuser la pratique du code au plus grand public dès les bancs de l’école, à l’image du concours Castor organisé par l’association France IOI en partenariat avec l’Inria et l’ENS Paris-Saclay, qui a eu lieu le 6 novembre dernier.

Mais elles restent encore trop anecdotiques pour avoir un impact majeur sur la qualité de l’enseignement et de l’insertion professionnelle en France. 

D’autant plus à l’époque du tout numérique : la plupart des innovations, de nos professions et de larges pans de nos vies quotidiennes reposent déjà massivement sur des programmes informatiques. Bientôt, comprendre leur fonctionnement deviendra aussi nécessaire que savoir conduire où l’on « passe son code » et l’épreuve de conduite.  

Notre décrochage éducatif est réel. Dans la bataille des compétences, en France, pour rehausser le niveau et faire face aux inégalités sociales il faut faire du code informatique un outil banal, commun, connu de tous.